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La fin justifie-t-elle toujours les moyens ?

Par Mélanie

Des joueurs parmi les lecteurs ?

Aujourd’hui, on pourrait faire un « chaud ou froid » : ce jeu d’enfant où on guide l’autre vers un objet qu’on a caché dans une pièce…

L’obéissance par la force

Dessin de P.Seiler pour les DNAJe vous propose d’y jouer mais cette fois-ci l’objectif ne sera pas de trouver un objet mais de faire une action que j’ai décidée, par exemple vous mettre devant la fenêtre et tirer la langue aux passants. Ce n’est pas très poli, c’est vrai, et ça va vous mettre en mauvaise posture face à ces gens qui ne savent pas que vous y êtes obligé, vous risquez même de vous faire insulter. Mais c’est mon plaisir d’avoir le contrôle sur vous alors peu importe ce que je décide, vous n’aurez pas vraiment d’autre choix que de le faire !

Vous n’aurez pas le choix car il y a une autre différence avec le jeu d’origine : pour vous guider vers cette action que j’ai choisie pour vous, je ne dirai pas « chaud » quand vous irez dans la bonne direction, je resterai silencieux. Comment ça ce n’est pas motivant ?! Oui mais c’est moi qui fixe les règles ! Et surtout, quand vous irez dans la mauvaise direction, je vous enverrai une décharge électrique. Pas forte, hein… enfin, sauf si vous ne comprenez vraiment pas ce que je veux : là, j’augmenterai l’intensité. Vous risquez d’être encore plus perdu à cause de la surprise du choc électrique, de la douleur mais bon…

Ah oui, sachez aussi que si vous manifestez un mécontentement quelconque : un grognement, un regard de travers, là aussi, je vous envoie un coup de jus.

Voilà, les règles sont posées et vous avez de la chance de les connaître à l’avance, ce n’est pas le cas de tout le monde : les chiens, eux, découvrent les règles une fois que les décharges commencent.

Vous voulez toujours jouer ?

En fait, je vous impose ce jeu ! Nos chemins se sont croisés et j’ai tous les pouvoirs sur vous dorénavant… le destin très certainement ! Vous n’avez pas le choix, c’est parti, ça commence que vous le vouliez ou non. Alors mettez-y du vôtre si vous ne voulez pas finir grillé comme une saucisse sur le barbecue, parce que si j’estime que vous être trop lent, je vous grille aussi !

Des données chiffrées

Le Dr Sylvia MASSON nous donne des indications chiffrées suite à une étude qu’elle a menée au sein de l’European Society of Veterinary Clinical Ethology (ESVCE) : 7% des chiens portant un collier électrique présentent des nécroses de la peau dues aux décharges. L’argument qui consiste à dire qu’une seule décharge suffit n’est pas juste. D’ailleurs, la majorité des chiens ne réagit au « bip » avant la décharge que s’il a déjà subi quelques décharges auparavant. C’est Pavlov qui nous a enseigné ça : les chiens apprennent que le bip est précurseur à la décharge, c’est donc par peur qu’ils obéissent. De nombreux propriétaires se donnent bonne conscience en disant qu’ils n’utilisent que le bip, mais cela n’atténue pas le stress vécu par le chien par anticipation de ce qui peut se produire ensuite.

Seulement 25% des utilisateurs estiment que l’efficacité perdure quand le collier est retiré. L’efficacité générale est estimée à moins de 50% en raison de leur mauvaise utilisation : trop souvent, trop longtemps et avec un mauvais timing. 100% des chiens souffrent physiquement et mentalement de ces méthodes, perdent confiance en eux et donc apprennent moins bien.

L’utilisation de ces colliers dans les interactions avec d’autres chiens (comme dans notre exemple où vous allez devoir tirer la langue a des passants) brouille totalement les interactions et peut mener à des conflits entre chiens. Par ailleurs, nos ancêtres ont façonné des chiens de berger pour être de merveilleux poursuiveurs de toute ce qui se déplace rapidement, certains chiens de terrier ou de garde pour être de très bons aboyeurs parce qu’ils devaient nous prévenir d’intrusion dans la propriété ou d’un gibier caché, etc… Lutter à l’aide de chocs électriques contre des centaines d’années de sélection est d’une violence extrême. De nombreux pays ont déjà interdit ces dispositifs. Il est temps de se moderniser et de chercher à mieux comprendre pourquoi un chien a tel comportement et trouver des alternatives éthiques et acceptables par toutes les parties.

Colette CUENOT

 

Colette Cuenot, éducateur comportementaliste canin et félin, nous livre ses réflexions sur le comportement canin dans le journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace. Cet article est paru dans l’édition du 09/06/2024.

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