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Jusqu’à quel point lutter contre l’anthropomorphisme ?

Par Nicolas

Qui connait bien aime bien !

En tant que professionnel.les de la cohabitation animale, spécialistes de l’éthologie, cette science qui étudie les comportements des êtres vivants et a vocation à les répertorier en leur donnant un caractère signifiant, nous luttons contre les approximations d’interprétations, les abus de langage, les excès d’empathie des humains envers leurs animaux. Non il ne miaule pas parce qu’il a faim, non il ne détruit pas pour se venger, non il n’aime pas sentir « bon », non il ne supporte pas les câlins à outrance…

Notre métier, c’est d’apporter des clés de compréhension aux humains, possesseurs des animaux, pour que la cohabitation se transforme en relation de co-bientraitance. Car qui connaît bien aime bien ! Les amalgames perpétrés par une perception du monde biaisée du fait de nos capacités humaines limitées (Umwelt) provoquent tant de dégâts qu’il nous est insupportable de ne pas réagir face aux maltraitances, notamment involontaires et « invisibles », et à leurs conséquences : la douleur, la peur, le manque d’adaptation de l’environnement, les mauvaises stimulations… peuvent provoquer des agressivités, de l’apathie, des carences, une perte de confiance en son référent humain. Alors stop aux anthropomorphismes ?

Je sais que je ne sais pas

On peut tout de même apporter de la nuance dans ce raisonnement scientiste. Tout d’abord, il y a une phase d’apprentissage de l’identité animale, et le devoir du « sachant » est d’accepter que le « non-sachant » ne puisse atteindre son niveau d’expert en quelques instants. D’ailleurs, pour amener un propriétaire à mieux apprécier l’étendue cognitive et comportementale de son animal, il est souvent préférable de parler le langage du néophyte que celui, difficile d’accès, du professeur. Et ensuite, il se pourrait que l’anthropomorphisme ait aussi des vertus !

Si érudits que nous sommes, avec un peu de souplesse (comme les chats ?*) et d’attention affectueuse pour notre prochain (comme les chiens ?*), nous avons le devoir d’accorder de la tolérance et de la bienveillance envers des personnes sans prétention autre que d’exprimer leurs sentiments. Nous avons un rôle d’accompagnateur, certainement pas de moralisateur ou de donneur de leçons.

Voici un exemple par Hélène Rochemore, illustratrice, qui a pris le temps d’observer son chat Kawa, et s’est interrogée sur ses pensées, ses émotions, ses envies, ses agacements…

Mon chat m’a dit : « moi je veux jouer »

j'ai demandé à mon chat + mon chat m'a dit, de Hélène Crochemore

Parus aux Editions Martin de Halleux, « j’ai demandé à mon chat » et « mon chat m’a dit » offrent une parenthèse sensible et paisible sur notre monde. Hélène Rochemore trace sur papier la vie quotidienne de Kawa, ses attitudes, ses habitudes, à l’intérieur d’un logement au décor épuré tant un chat peut se passer d’outils technologiques ou de rayonnages de collections en tous genres. Un dialogue silencieux s’en suit, symbole de notre profonde espérance dans l’acquisition des codes de communication extra-sensoriels qui nous donneraient la capacité de parler le même langage.

Cette volonté d’obtenir un écho à nos questions jusqu’à y projeter nos propres réponses s’appelle… l’anthropomorphisme. Fatalement, utiliser nos propres canaux de compréhension d’humains pour échanger avec l’animal et interagir avec lui nous font commettre des erreurs d’interprétation. Mais l’anthropomorphisme peut aussi être une source d’humour, d’amour, et de questionnements. Dans ses livres, Hélène Rochemore se moque surtout d’elle-même, exprime toute sa tendresse pour son « Roudoudou », et tente de capter des signes, des mouvements, autant de messages qui évoquent la connexion unique qu’on peut avoir avec son animal.

Exprimer sincèrement ses sentiments

j'ai demandé à mon chat, de Hélène Crochemore

On aimerait tous comprendre les animaux, et en particulier celui ou ceux vivant avec nous, pour répondre au mieux à leurs besoins. Tenter de capter toute la gamme des connexions dans une relation entre êtres vivants est hautement valorisable, alors nous, professionnel.les, devons accepter l’authenticité du ressenti des détenteurs et amateurs d’animaux, même quand les concepts éthologiques font défaut.

En parallèle, notre rôle reste de participer à la sensibilisation du grand public, en soutenant, par exemple, l’ambition de la loi du 30 novembre 2021 « visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes » : elle a officiellement projeté de donner des notions d’éthique animale aux enfants à plusieurs stades de leur scolarité.

Le chat d’Hélène Crochemore dirait sûrement : « soyez des professionnels de la bienveillance avant tout » !

 

(* ; vous avez repéré ces anthropomorphismes ? 😊)

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