Les études scientifiques se sont multipliées récemment pour mieux comprendre les animaux, notamment en éthologie, parce qu’on a fini par considérer que leur compagnie pouvait avoir une influence sur les humains et leur écosystème. Dominique Autier-Dérian, vétérinaire comportementaliste, titulaire d’un DEA d’éthologie, explore au travers de ce livre l’histoire du rapprochement entre nos espèces, et la profusion des relations actuelles, depuis l’exploitation à des fins alimentaires ou utilitaires, jusqu’au lien social et émotionnel indéfectible.
En croisant ses réflexions avec des données historiques, sociologiques, neurologiques ou juridiques, elle ouvre un champ beaucoup plus large qu’attendu à la place de l’animal de compagnie dans nos vies. Celui qui cohabite au quotidien avec nous, pour lequel nous avons de l’affection et à qui nous prodiguons, pour beaucoup, autant d’attention qu’à un enfant, a des révélations à nous faire.
C’est quoi, un animal de compagnie ?
Les chiffres et les circonstances s’affinent sans cesse, le consensus actuel considère que les chiens se sont rapprochés des humains il y a environ 15.000 ans, tandis que les chats ont rejoint nos foyers 7.500 ans plus tard. De commensales, les interactions avec les humains ont pris une tournure d’intérêt commun, jusqu’à aujourd’hui ne plus pouvoir se passer les uns des autres.
Pourtant, seuls quelques-uns, les chiens, chats, Nouveaux Animaux de Compagnie (« NAC », à savoir les lapins domestiques, furets, et quelques espèces de rongeurs, d’oiseaux, de poissons), tolèrent la proximité avec nous. Et parmi eux, certains n’ont même pas un rôle de compagnon, car nous leur assignons d’autres missions, qui d’ailleurs questionnent notre moralité. Serait-ce une explication au fait que les renards ou les singes ne peuvent être des animaux de compagnie ?
De l’exploitation animale
Dressés à chasser, à protéger, à détecter, à transporter, à apporter du soutien émotionnel ou physique, nombre d’entre eux sont encore consommés pour leur viande, tels le canard ou le lapin, sachant que c’était le cas du chien il y a moins d’un siècle en France. L’amour que l’on projette sur eux se traduit parfois par des excès comme les « hypertypes », qui les rendent gravement malades et leur occasionnent des douleurs insupportables… ou par des abus sexuels, qualifiés de « zoocriminalité » (et non plus « zoophilie »), seulement interdits en France en 2004.
Ce livre questionne sur les dysfonctionnements du cercle familial ou sur les déviances humaines, qui font que les insatisfactions ou les névroses sont répercutées sur ceux qui nous côtoient. Négligences, abus physiques, sexuels et psychologiques, les maltraitances sont légion, et la vétérinaire relate la lente évolution des consciences, notamment dans sa profession, qui a seulement intégré depuis le passage au XXIe siècle les notions de douleur et d’éthologie.
Bien-être, être bien
Désormais, des référents vétérinaires « bien-être animal » sont présents dans toutes les régions de France, les gendarmes sont formés à la détection des maltraitances animales, et la diffusion de livres tels que « Animaux de compagnie, petits récits et dernières découvertes pour éclairer nos relations » aux éditions Quae permet la sensibilisation du grand public.
Par leur présence, les animaux de compagnie participent à l’amélioration de nos vies, ils contribuent au « capital social » : stimulent la tolérance et la confiance, et facilitent les interactions, l’entraide, la vie communautaire. Ils créent du lien.
Par une analyse scientifique teintée de pragmatisme et de sincérité, voilà un récit passionnant, qui interroge sur la réciprocité de notre attachement à ces animaux. Dominique Autier-Dérian résume ainsi la portée de son action : « je soigne les animaux qui vont mal et, la plupart du temps, soigner les animaux soigne aussi les humains ». Nous n’avons pas fini d’en apprendre sur nous, grâce à eux.
Nicolas Sergent, directeur de Vox Animae